L’antique bourg de Mailly et les débuts de la christianisation
Saint-Menoux, anciennement Mailly (Malliacum), est situé sur l’ancienne voie romaine reliant Moulins à Bourbon. Une importante colline, que domine aujourd’hui l’abbatiale romane, forme la partie haute du bourg. Au sud et à l’ouest jaillissent plusieurs sources qui rejoignent la rivière de la Rose (ou de l’Ours) située en contrebas du village.
La voie antique traversait Malliacum en contournant par le nord le sommet de la colline. Des vestiges d’occupation gallo-romaine ont été exhumés sur le territoire communal, notamment des monnaies. Dans le bourg même, c’est dans le quartier Saint-Germain, implanté à l’ouest en bas de la colline le long de la voie romaine, que de tels vestiges ont été mis au jour (débris de vases et tuiles).
La présence d’un quartier et d’un cimetière portant le nom de ce saint remonte probablement à la seconde moitié du Ve siècle, c'est-à-dire peu après la mort de Germain d'Auxerre en 448. Cette appellation témoigne de l’évangélisation du centre de la Gaule à l’époque mérovingienne.
Des habitations étaient donc déjà implantées dans la partie ouest du bourg à cette date. Mais on peut supposer par ailleurs qu’une occupation humaine encore plus ancienne existait également sur le flanc sud-est de la colline. C’est ce que laisse penser la présence de sources christianisées à cet endroit (fontaine Saint-Menou [1] et Creux Saint-Martin). Les cultes associés aux sources d'eau en Europe occidentale remontent à l'Age du Bronze et même à la période néolithique, époques qui sont d’ailleurs représentées dans la commune sur le plan archéologique [2].
C’est apparemment entre les VIe et IXe siècles, lorsque le culte de saint Martin devint populaire, que nombre de fontaines guérisseuses lui furent dédiées en France. C’est ainsi qu’à Mailly, les vertus du pieux Martin vinrent se superposer aux anciens cultes païens des eaux. Ce n’est sans doute que dans un second temps que Menou fut associé également à ce culte et qu’une des fontaines prit son nom.
Les vestiges de ce complexe de fontaines et de bassins sacrés, qui faisaient l’objet d’un culte étroitement lié à Menou sous l'Ancien Régime, sont encore visibles au sud-ouest du bourg. A la veille de la Révolution, ils se présentaient ainsi :
Depuis une hauteur, une source (aujourd’hui comblée) se déversait en contrebas de la pente du terrain dans le « Creux Saint-Martin », grande piscine ou bassin de grès carré entouré d'un haut mur en U retenant la terre à flanc de colline. L’y rejoignaient les eaux d’une autre source, située dans le coin sud-est du site. Enfin, une troisième source, qui porte aujourd’hui le nom de fontaine Saint-Menou, allait se mêler, dans un déversoir commun, aux eaux du « Creux ». C’est aujourd’hui un bassin rond bordé d'un parapet de pierre de taille et surmonté d'une croix en fer. Une ouverture frontale, fermée par une porte, était destinée au puisage.
L’ensemble des aménagements du site, dans son état actuel, doit remonter à la fin du XVIIe ou au XVIIIe siècle.
Ces sources, bassins et fontaines étaient très certainement vénérés pour leurs vertus curatives à l'époque gauloise ou gallo-romaine. Le rite d’immersion existait d’ailleurs encore sous l’Ancien Régime : on plongeait les malades dans l'eau sacrée du bassin de saint Martin, afin que les vertus miraculeuses de cette eau les guérissent, notamment de la folie. Il semble que cet usage survécut à la Révolution et se perpétua jusque dans la première moitié du XIXe siècle. En 1907, il y avait encore des processions à la fontaine guérisseuse de saint Menou pour la Saint-Marc, la Saint-Roch, la Saint-Menou et les Rogations.
Texte d’illustration : témoignage oral d’immersion des fous dans la piscine de saint Martin dans la première moitié du XIXe siècle
« …le prêtre… récitait des prières pendant qu’on tenait plongés dans l’eau, à l’aide de cordes, les fous que l’on voulait guérir. Car tel était le traitement que l’on faisait subir aux pauvres « fols » pour les ramener à la raison : l’eau de messire saint Martin et l’invocation du bon saint Menoux. Des anciens racontent qu’un des derniers fous qu’on descendit dans la piscine, se débattait comme un désespéré, en criant : « On veut me nyer ! on veut me nyer ! »… Depuis que l’on a converti le Creux Saint-Martin en lavoir public, on a cessé de recourir à la vertu de son eau. Cependant les femmes qui vont y laver disent, à qui veut les entendre, que cette eau n’a pas sa pareille, dans tout le pays, pour nettoyer le linge, et elles ajoutent que les vêtements blanchis dans le Creux Saint-Martin deviennent très sains au corps et font guérir les boutons… Ce lieu vit donc de nombreux prodiges, et c’est avec un profond respect qu’on doit en fouler le sol sacré. » (J. J. Moret, Histoire de Saint-Menoux, p. 51-53)
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[1] La graphie Menou sera ici adoptée pour désigner le personnage historique de saint Menou, car elle semble plus conforme à la graphie d’origine (voir l’article de J.-Th. Bruel). L’habituelle graphie « Saint-Menoux » sera conservée pour désigner le bourg.
[2] La commune de Saint-Menoux comporte des traces d'occupation protohistorique, avec deux tumulus de l'Age du Bronze. Lors de fouilles à la fin du XIXe siècle, on trouva dans le premier, situé entre La Forêt et Joux, quatre squelettes accompagnés d’armes, de bijoux, de vaisselle et d’ossements animaux. Le second, localisé près de la Tardivonnerie, était déjà arasé à cette date et n’a pu être fouillé. Des vestiges préhistoriques ont également été retrouvés sur la commune.