L’abbaye de Saint-Menoux sous l’Ancien Régime
L’abbaye fut pillée par les protestants en 1572. En 1606, Sébastien Marcaille publia le premier récit hagiographique imprimé consacré à Menou (Vie et miracles de saint Menou, evesque breton, patron de l’abbaye de Saint-Menoux en Bourbonnois, Molins, P. Vernoy). L’ouvrage reste malheureusement introuvable.
Quelques personnages célèbres ont laissé le souvenir de leur passage à Saint-Menoux. Lors du grand voyage royal de 1564-1566 1, la cour, qui se transportait de Blois à Moulins fit étape à l’abbaye. L'arrêt était d'importance puisque le roi Charles IX et sa mère Marie de Médicis y déjeunèrent et y couchèrent dans la nuit du 21 au 22 décembre 1565.
Le 17 mai 1700, Mme de Montespan se rendit à l’abbaye alors qu’elle prenait les eaux à Bourbon. L’abbesse était alors la nièce du confesseur de Louis XIV, Antoinette de La Chaise d’Aix.
Au XVIIIe siècle, le culte de Menou et Blaise était toujours vivace : les habitants de la commune promenaient leurs crânes en procession pour faire cesser la sécheresse ou pour guérir les bestiaux.
Texte d’illustration : les processions des crânes de Menou et de Blaise en 1746 et 1761
Procès-verbal du 12 août 1746
« Cejourd’huy Ier août 1746 la Communauté du prieuré de saint Pierre et saint Paul de Souvigny capitulairement assemblée au son de la cloche en la manière accoutumée, le Rev. Père Dom Pierre Louis Fricaud Prieur claustral aurait représenté à la dite Communauté que le même jour environ vers les dix heures du matin les officiers de la justice et les principaux de la ville de Souvigny accompagnés d’un grand nombre d’habitans lui auraient représenté les malheurs dont ils étoient menacés par la mortalité des bestiaux, et lui auroient demandé en conséquence de faire dans notre Eglise des prières pendant neuf jours consécutifs, à dix heures du matin si cela se pouvoit et pendant lesdites prières exposer les chefs des St Mayëul et St Odile sur le maître-autel, auroient demandé ensuite qu’à la fin de cette neuvaine on voulut bien porter processionnellement les chefs des deux Saints, et diriger la procession à l’Eglise de l’abbaye de saint Menoux, pour, par l’intercession de ces amis de Dieu, demander la cessation de la mortalité des bestiaux qui se faisoit déjà sentir dans le voisinage.
La chose mise en délibération il a été convenu et conclu d’une voix unanime que l’on feroit les prières demandées pendant neuf jours à six heures du matin pour la commodité du public, les saintes Reliques exposées sur le Maître autel, à commencer le surlendemain troisième dudit mois, et que le neuvième jour on dirigeroit la procession à l’église de St Menoux où l’on porteroit les susdites reliques. Et le dit jour onzième après les prières commencées les Religieux composans la communauté de Souvigny sont sortis de leur Eglise vers les quatre heures du matin et suivis des Officiers de justice en Robbe et de presque tous les habitants, les chefs de St Mayëul et de St Odile portés par huit hommes à ce destinés, revêtus d’aubes et tuniques, et qui se relevoient de temps en temps à cause de la longueur du chemin. En sortant de l’église ont trouvé lesdits Religieux accompagnés comme dessus, nombre considérable d’hommes et de garçons sous les armes auxquels s’étoient joints plusieurs habitans des parroisses voisines aussi sous les armes ce qui faisoit environ trois cents hommes ; la procession continuant ainsi en chantant des hymnes et des psaumes ; a environ une demi-lieue de l’Abbaye de St Menoux, a paru et s’est joint à nous le curé de la parroisse à la tête de ses parroissiens, faisant porter la croix, la banière, et les chefs de St Menoux et de St Blaise, et plusieurs de ses parroisiens aussi sous les armes, lequel Curé se seroit approché du Rd père prieur de Souvigny, et lui portant la parole a prononcé un petit discours sur le motif de cette procession, qui étoit d’intercéder le crédit des Saints pour détourner et faire cesser, si c’étoit la volonté de Dieu, la mortalité des bestiaux qui commençoit à désoler et menaçoit encore la province, auquel discours le dit Rd Dom Prieur auroit répondu par un autre discours sur le même sujet ; après quoy la procession a continué, dirigée toujours vers l’église de saint Menoux ; à l’entrée de laquelle nous avons été reçus honorablement toutes les cloches sonantes ; ensuite a été célébrée par ledit Dom Prieur dans la même Eglise une grande Messe chantée par les dames Relligieuses de l’abbayë. La messe et quelques prières achevées nous sommes sortis de l’église de St Menoux dans le même ordre, accompagnés du susdit curé et parroissiens de St Menoux, qui nous ont reconduit par un autre chemin jusques à la même distance où ils étoient venus nous prendre. La séparation faite et le salut ordinaire nous avons continué la procession en chantant les litanies de tous les saints ; nous sommes entrés dans l’église des Relligieuses bénédictines de Souvigny ou après quelques Antiennes chantées par lesdites Relligieuses nous sommes rentrés dans notre église ou les lytanies finies nous avons dit les prières et chanté les psaumes et les Répons pour finir la neuvaine. Ainsi ont fini les prières et la procession ou, dans un grand concours de peuple, tout s’est passé avec beaucoup de décence, de dévotion et d’édification, en foi de quoy j’ai dressé et signé le présent procès-verbal ce douzième août mille sept cent quarante six. F. C. Lorin, secrétaire. » (J. J. Moret, Notes pour servir… t. III pages 235-238)
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(1) le voyage royal de 1564-1566 : Initié par Catherine de Médicis, ce long périple (24 janvier 1564-1er mai 1566) avait pour but de présenter le jeune Charles IX nouvellement couronné, de le rapprocher de ses sujets tant catholiques que réformés, et de faire oublier les destructions de la guerre et les dissensions religieuses. Le roi parcourait la France et à chaque étape faisait son entrée royale. Le chirugien Ambroise Paré, ainsi qu’Henri de Navarre, le futur Henri IV, participèrent à ce voyage. Dans la période comprise entre décembre 1565 et mars 1566 le souverain et sa cour résidèrent à Moulins.