1 - Démobilisation des vivants
Un retour idéalisé
Pendant toute la guerre, les soldats et leurs famille ont eu le temps de penser, de rêver voire d'idéaliser leur retour.
Par ses dessins, Benoît Pacaud, de Saint-Léon, incorporé depuis le 15 décembre 1914 a bien traduit ces espoirs.
Ce 11 novembre 1918, Mme Perrot est heureuse que la guerre soit finie mais elle espère surtout que son mari revienne vite à la maison.
« La plus belle joie pour moi est le jour que tu vas arriver
et j’espère bien que ce jour n’est pas bien loin »
Source : fonds Perrot-Roumot (cote 1 J 637)
Archives départementales de l’Allier
Un retour retardé
A l’instar d’Albert Melin, nombre de Poilus ont vu la guerre se prolonger par l’occupation militaire en Rhénanie dès décembre 1918.
Du reste, Albert comme sa femme, sont résignés.
Lui se montre avant tout soulagé de ne plus se battre : "c'est déjà beaucoup". Il pense que ses missions d'occupant seront assez limitées et donc peu dangereuses.
Voir sa lettre du 18/11/1918 à gauche.
Noémie, elle, est partagée entre curiosité, esprit de revanche et inquiétude vis à vis des Allemands : "il vous faudra bien vous défier d'eux".
Voir sa lettre du 24/11/1918 sur la droite
Un Bourbonnais en Rhénanie
Dans sa lettre du 12 décembre 1918, Albert Melin rassure sa femme sur l’accueil des Allemands :
« Partout où nous nous sommes présentés, nous avons trouvé un accueil des plus correct (…) mais on est toujours à se demander s’ils agissent par peur de nous, ou par sympathie ».
Parfois même, il semble troublé lorsqu'il est logé dans des familles si semblables à la sienne, avec des femmes qui s'inquiètent pour un père ou un mari, prisonnier en France :
"ce sont d'étranges situations"
Toutefois, Albert Melin ne semble pas culpabiliser longtemps ...ou en tout cas il cherche à afficher une attitude décomplexée vis à vis de son rôle d'occupant.
« Nous ne leur faisons aucun mal ; mais nous ne nous gênons en aucune façon
pour nous installer confortablement chez eux »
Lettre d'Albert à son épouse Noémie Melin,
15 décembre 1918, extrait (cote : 117 J 2)
"Du reste, je crois que nous sommes moins exigeants qu’ils l’ont été chez nous"
Lettre d'Albert à son épouse Noémie Melin,
18 décembre 1918, extrait (cote : 117 J 2)
Pour Albert, la supériorité française est patente dans tous les domaines Sa lettre du 23 décembre 1918 est truffée de jugements caricaturaux sur les Allemands.
Ainsi Mayence est certes une ville « tranquille et vertueuse » en journée mais « dès que sont allumés les becs électriques, c’est la débauche à tous les coins de rue ».
Même la bière allemande n’est pas à la hauteur : « la bière allemande ne vaut pas en ce moment celle que je buvais au Café Riche [à Montluçon] avant la guerre » Tout juste reconnaît-il la meilleure qualité du vin : « Le vin du Rhin est meilleur, mais il est un peu cher »
Au cinéma son chauvinisme est de mise : « les scènes comiques allemandes qui y sont représentées sont moins fines, et moins spirituelles que celles de chez nous. Les boches rient à gorge déployée dans la salle, et les mêmes choses nous faisaient tout juste sourire »
Enfin en matière de couture l’élégance naturelle des Français l’emporte : « Dans les rues les gens ne sont pas mal habillés, il y a de belles toilettes ; mais elles sont portées avec moins de chic que chez nous. Les magasins sont assez bien montés, et il y a de beaux étalages : bijouterie, lingerie, vêtements ; mais ce n’est pas le même goût français : on sent qu’il manque un tour de main difficile à attraper »
La démobilisation des vieilles classes
Noémie Melin espère que son mari Albert pourra bénéficier de la circulaire de Clemenceau sur la démobilisation des « vieilles classes ».
Les pères de famille bénéficiant d'une classe par enfant, Albert Melin de la classe 1898 pourrait partir avec ceux de la classe 1897 "grâce à" son fils André.
Au final, son registre matricule indique sa libération le 23 janvier 1919.