4 - Blessés physiques : l'enjeu de la réinsertion
Ce soir il est passé un homme à qui il manque la main gauche ; il se dit mutilé de la guerre et des pays envahis. Il demandait l’aumône ; il nous a dit qu’il cherchait sa vie. Nous l’avons rencontré dans la rue, je ne lui ai rien donné. Je ne sais si j’ai bien ou mal fait ! était-il sincère ? La blessure lui donne bien droit à une pension, s’il est des régions du Nord il a bien une autre indemnité. Et puis ne se charge-t-on pas de donner une profession à ces blessés-là ?
Source : Archives départementales de l’Allier, lettre de Noémie à Albert, 27/12/1918, fonds Melin (cote : 117 J 4)
Cette réflexion de Noémie Melin en dit long sur les difficultés de réinsertion sociale des 4,3 millions de blessés en France[1] à la sortie de la Première Guerre mondiale. Pour les associations de mutilés, il faut non seulement que l’Etat assume la prise en charge financière des soins mais qu’il facilite la réinsertion professionnelle de ces hommes. Les formations offertes aux mutilés et les emplois réservés sont autant de leviers à actionner pour faciliter un retour à la vie « normale ».
[1] Chiffres d'après Jay Winter, The Great War and the British People, cité dans Stéphane Audoin-Rouzeau, Jean-Jacques Becker, Encyclopédie de la Grande Guerre, Paris, Fayard, 2004
Soins gratuits aux blessés : "la Charte du combattant"
La loi du 31 mars 1919, plus connue sous le nom de « Charte du Combattant » substitue à la notion d’« assistance » (portée aux invalides de guerre et aux familles des décédés par la législation précédente) celle du « droit à réparation » pour les Anciens Combattants et Victimes de Guerre. Les bénéficiaires peuvent désormais prétendre à une pension couvrant le préjudice subi. L’article 64 de cette loi prévoit des soins gratuits aux mutilés et pensionnés de la guerre. Chaque commune établit ainsi une liste comme ici à Lafeline dans les années 1920 et 1930. Les bénéficiaires de ces soins reçoivent un carnet comme ci-dessous le moulinois Pierre Buchonnet.