FLEURY Georges
Souvigny
Certains se figuraient aller faire un voyage d'agrément.
Georges Fleury, 16 août 1914
Georges Eugène FLEURY est né le 18 mars 1885 à Souvigny. Il est incorporé à compter du 9 octobre 1906. Avant d’être mobilisé en août 1914 (voir son registre matricule ), il exerce la profession de plâtrier peintre. Il est marié et père d’un petit garçon. Son degré d’instruction générale est de niveau 4, ce qui correspond à l’obtention d’un brevet de l’enseignement primaire.[1]Durant la guerre, il est nommé Maréchal des Logis (premier grade de sous-officier). Blessé le 26 septembre 1915 suite à l’éclatement d’une bombe de minerai de fer, il est atteint de surdité partielle. Il est alors démobilisé.
[1] Les degrés vont de 0 : ne sait ni lire ni écrire à 5 : bachelier ou licencié
« Notes de route » de Georges Fleury
11 août 1914 au 16 octobre 1915
Son carnet de route commence le 11 août 1914, date à laquelle il quitte sa « chère » femme, son petit garçon prénommé Fernand, sa sœur et son frère. Il y inscrit les étapes et évènements se déroulant jusqu’au 14 octobre 1915. Après cette date, on y retrouve surtout des prières.
C’est terrible d’user une culotte sans la quitter ; voilà un aperçu de ce qu’est la guerre.
Dès le début, G. Fleury dénonce les conditions d'hygiène. En août 1944, de retour en Alsace, il dit espérer ne pas retourner dans ce « taudis ». Le 3 janvier 1915, il note : « La vie n’est pas belle ; de la boue et de l’eau à moitié jambe et les balles sifflent ». Puis le 21 janvier : « Je change de culotte. C’est terrible d’user une culotte sans la quitter ; voilà un aperçu de ce qu’est la guerre. On change aussi de soulier ; ce n’est pas trop tôt ». En mars, il écrit : « La paille ne manque pas mais les rats nous mangent tout ». « Plusieurs ont attrapé des poux. C’est terrible la guerre, on ne peut pas sortir le jour sans être vu des boches et l’eau est rare ».
« 31 août. Les Allemands sont tout près ; que nous sommes malheureux de ne rien savoir d’officiel ».
Georges FLEURY est un homme pressé de se confronter à l’ennemi car il juge l’attente insupportable : « 31 août. Les Allemands sont tout près ; que nous sommes malheureux de ne rien savoir d’officiel ».
Son baptême du feu a lieu le 7 septembre 1914. Il qualifie cette journée de « mémorable ». Voici son impression : « Quelle grêle de balles et obus. Mort d’un camarade, des blessés… C’est une grande bataille qui se livre. Journée très dure. Nous recevons des obus. Chevaux tués, hommes blessés. Le soir à la tombée de la nuit, la batterie se porte en avant au galop et ouvre le feu sur l’infanterie et cavalerie ennemie à une distance de 900 m ».
L’hiver se fait sentir et ce n’est pas dommage, on a moins d’odeurs des morts qui sont là depuis huit jours sans être enterrés
Malgré tout, il semble prendre du recul et porte un regard plutôt critique sur la manière dont la guerre est menée et sur les incohérences qui en découlent. Il n’hésite pas à dire ce qu’il pense des ennemis, de ses camarades et de ses supérieurs. Voici quelques extraits :
« La bonne volonté y est mais le manque de discipline. Certains se figuraient aller faire un voyage d’agrément ». A propos de la journée du 7 septembre, il écrit aussi : « Le capitaine est trop ambitieux. Il nous perdra ». Le lendemain, il note : « Ce qui devait arriver arrive. Le capitaine tombe mort. La batterie en débandade, toute la journée il faut chercher les attelages, quelle épreuve. Nos blessés et nos morts couvrent le champ de bataille ». La mort est omniprésente. « 17 octobre. L’hiver se fait sentir et ce n’est pas dommage, on a moins d’odeurs des morts qui sont là depuis huit jours sans être enterrés, les boches et les nôtres ».
c’est odieux de voir ça, pendant que nos fantassins se font tirer. Le Colonel a l’audace de nous passer des revues
Il est d’autant plus choqué par le contraste saisissant entre les horreurs de la guerre et l’aspect protocolaire du « passage en revue »[2] qu’il trouve déplacé : « 19 octobre. Le Colonel nous passe la revue ; c’est odieux de voir ça, pendant que nos fantassins se font tirer. Le Colonel a l’audace de nous passer des revues. Qui vivra verra ». En mars 1915, il écrit : « Nous sommes embêtés, c’est affreux de voir cela. Revue sur revue, les hommes en sont rebutés. Vivement que la guerre recommence pour être plus emmer..… »
Pour découvrir plus en détail les extraits de son carnet, voir ci-après.
Il meurt en 1957 à l’âge de 72 ans.
[2] Passer en revue : protocole militaire qui consiste à inspecter les soldats qui se présentent devant un officier gradé